dimanche 24 juillet 2016

83- L'esprit des plantes -6- Espionnage ou collaboration?

ESPIONNAGE OU COLLABORATION ?

Les sols de serpentines sont des formations minérales très dures et rocailleuses, extrêmement riches en cobalt, nickel, chrome, potassium et phosphore. Ces conditions sont presque opposées aux besoins de la plupart des plantes, qui cherchent plutôt des sols souples, drainants, et peu chargés en minéraux, afin de pouvoir s'y développer sainement, avec un bon équilibre nutritionnel.
Pourtant les serpentines abritent une végétation particulière, constituée en général de plantes de faible développement, souvent des conifères, de type maquis.

Photo: http://www.californiachaparral.com/images/600_DSC_0113_II.jpg

Une équipe de chercheurs du Centre John Innes au Royaume Uni, se sont demandé comment des plantes adaptées à des conditions de vie "normales" pouvaient réussir à s'implanter, vivre et se multiplier dans un milieu aussi extrêmement hostile.

Pour pouvoir étudier cette question, ils ont prélevé des graines de différentes populations d'Arabidopsis arenosa, une cousine de la fameuse Arabidopsis thaliana, la plante préférée des laboratoires. Le but était d'étudier le génome de populations vivant en sols fertiles, et de le comparer avec celui de plantes vivant en sols de serpentine.
Pour cela, ils ont repéré différentes populations d'A. Arenosa réparties dans toute l'Europe, dont certaines dans des sols de serpentine.
Ils ont ensuite semé les graines récoltées pour étudier le génome des plantes issues de ces semis.

Photo: http://blog.garnetcommunity.org.uk/wp-content/uploads/2015/07/Arabidopsis-arenosa02.jpg

Ils ont découvert, à leur grande surprise, que A. arenosa serpentine présente un génome légèrement différent, avec des caractères issus d'une autre plante, concrètement d’Arabidopsis lyrata, une autre cousine, habituellement adaptée à la vie dans les serpentines. Ces gènes sont absents dans les souches d’A. arenosa "normales".
L’hypothèse pour l’instant formulée est que A. arenosa a réussi à « emprunter » le gène qui lui permet de survivre dans des conditions si difficiles.

Les chercheurs devront maintenant identifier précisément les mécanismes naturels qui ont conduit à cette union de gènes, entre plantes certes voisines, mais a priori incompatibles.
Une autre question sera de savoir si une plante a "emprunté" ces caractères, ou si c'est sa cousine qui les lui a "prêté gracieusement".
Un passionnant débat sur la "psychologie végétale" en perspective.


Il est tout de même très surprenant de constater que les plantes, de manière totalement spontanée et naturelle, sont capables d'emprunter des gènes à des espèces voisines afin de s'adapter à un milieu hostile.
Ce sont des OGM naturels, dont la finalité est, comme toujours, la survie de l'espèce.

Comme quoi, dans le monde végétal aussi, nécessité fait loi.

C'est encore une nouvelle capacité inconnue jusqu'alors dans un monde végétal qui ne cesse de nous surprendre.


Photo: http://flora.nhm-wien.ac.at/Bilder-A-F/Cardaminopsis-arenosa-1.jpg

1 commentaire:

  1. Ou la merveilleuse adaptation des plantes à leur milieux que la polyploïdie a permise pour de nombreuses espèces, dont le cotonnier est un des exemples.
    http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3859316/

    RépondreSupprimer