lundi 11 juillet 2016

74- Agroécologie -1- Le concept

AGROÉCOLOGIE – LE CONCEPT

Il y a pas mal de temps que je veux vous en parler, mais c'est plus difficile qu'il n'y parait, puisqu'il s'agit plus d'un concept que d'une méthode.

J’en veux pour preuve un texte récent, puisque publié en 2013 par le ministère français de l’agriculture, une sorte de texte fondateur, même si le mot et l’idée sont nettement plus anciens (1928 pour le mot, date un peu plus floue pour l’idée, mais qu’on peut situer dans les années 70 pour son acception actuelle). Le manque de précision dans le concept est patent dans le titre de ce texte : “L’agroécologie : des définitions variées, des principes communs” http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Analyse_CEP_59_Agroecologie_definitions_variees_principes_communs_cle051634.pdf

Il n'existe, à ma connaissance, aucun protocole, aucun cahier des charges de l'agroécologie, qui permette à un professionnel comme moi de le mettre en pratique selon un cadre précis.
En quelques mots, le concept tente d’allier l’agronomie et l’écologie, pour une agriculture mieux intégrée dans la société, tant au niveau productif qu’au niveau environnemental, et bien sûr dans sa dimension socio-économique et culturelle.

Tout ça est très joli, mais qu’est-ce que ça veut dire ?

Concevoir l'agriculture dans un environnement respectueux est le fondement de l'agroécologie. Dans ce cas, les arbres fruitiers son isolés du fleuve par une frange végétale semi-sauvage, avec un entretien réduit au maximum pour laisser s'installer une biodiversité élevée. Au premier plan, une zone non cultivée, le mur de défense qui protège le reste de la ferme des inondations, est laissée avec une biodiversité importante. Les vergers sont irrigués par goutte à goutte afin d'économiser l'eau et les fertilisants, tout en augmentant leur efficience. Un enherbement, une couverture végétale est conservée sur plus de 50% de la surface agricole , pour aider à développer la vie du sol, et sa fertilité naturelle. Les restes de taille son broyés et laissés au sol pour augmenter le niveau de matière organique du sol. Ce sont quelques-unes des petites actions qui peuvent être mises en place dans un verger pour réduire l'impact négatif de la production agricole.


En fait, c'est en lisant récemment une entrevue avec François Houllier, l'actuel PDG de l'INRA, et publié par la revue Le Nouvel Economiste, que j'ai trouvé la matière la plus claire sur le sujet.

En lisant cet article, j’ai pris conscience, à la fois de l'étendue du sujet, de son importance et de sa complexité.
Selon les pays et les besoins locaux, la dénomination peut être différente, comme par exemple AEI (Agriculture Ecologiquement Intensive), peut-être plus claire, mais moins « porteuse ». Mais en fait on parle de la même chose sur le fond.
C'est probablement une grande révolution agricole qui est en marche, susceptible de changer l'agriculture, d'améliorer l'environnement, de donner une durabilité à la production d'aliments, mais également de modifier les paysages ruraux, et, espérons-le, d’adoucir la relation d’amour-haine entre les sociétés industrialisées et leur agriculture.
Vous noterez que la plupart des références sont françaises. C’est simplement parce que c’est, à ma connaissance, le seul pays où ce concept a été intégré dans les objectifs politiques au niveau national, avec des décisions gouvernementales, et des textes de loi pour sa mise en œuvre. Par conséquent, c’est aussi le pays où, à la fois on réfléchit et on écrit le plus sur ce sujet.
Quelques pays ont pris des décisions nationales concernant l’évolution vers l’agriculture biologique, mais aucun autre, à ce jour, vers l’agroécologie, qui est à la fois plus inclusive, plus ambitieuse, et probablement plus réaliste si on intègre à la réflexion, tous les critères et toutes les conséquences de l’enjeu.
De ce point de vue, la France s’élève en pays précurseur.

Le concept concerne plusieurs grands axes, tous en relation les uns avec les autres, tous complexes.
On peut parler par exemple du sol, de l'eau, de la biodiversité, de la protection phytosanitaire. Cela implique des problématiques comme la formation, la recherche, l'évolution technologique, l'information, la communication.
Il n’exclut a priori rien, on y accepte la chimie par exemple, mais à condition que son usage en soit bien fait. Les méthodes et techniques rentrent en ligne de compte, tant pour leur nécessité et leur efficacité que pour leurs effets secondaires indésirables.
Peuvent donc s’y rattacher tous les protocoles de production qui prônent les bonnes pratiques agricoles, c’est-à-dire l’intégration de tous les critères disponibles dans la prise de décision, ainsi que les effets secondaires des interventions. Nous parlons donc de l’agriculture biologique et biodynamique, la permaculture, mais aussi la production intégrée qui accepte l’usage raisonné de la chimie.

Il y a un problème de base pour la mise en œuvre de l’agroécologie, la diversité des agriculteurs, de leur niveau de formation, de leurs convictions personnelles, de leur motivation, de leurs envies, de leur environnement socio-économico-culturel. Bref, pour la mise en place d’un projet aussi ambitieux, le facteur humain sera une condition de base à prendre en compte.
D’autre part, on essaye d’y considérer la ferme comme un élément d’un ensemble local. Une ferme de 50 hectares en agroécologie au milieu de milliers d’hectares de cultures industrielles n’aura pas le même impact qu’un mouvement d’ensemble au niveau d’une région.

Ce sujet est d'une immense importance, et il est probable que beaucoup d'agriculteurs ne s'en rendent pas compte.
Je suis loin d'être d'accord avec beaucoup des actions du gouvernement français actuel, mais je dois reconnaitre que sur ce point concret, je crois qu'il voit juste. Il est évident que ça donnera lieu à plus de règlementations, plus de contraintes, plus de restrictions. En tant qu'agriculteur, je ne peux pas m'en réjouir, mais je crois que c'est le moment de le faire.



Le monde se trouve actuellement à la croisée des chemins. Les évolutions du climat sont préoccupantes. Les besoins en nourriture sont gigantesques. Les répercussions de l’activité humaine sont énormes. La répartition des richesses et des ressources est aberrante.
Au cours des deux derniers siècles, nous avons appris à produire beaucoup, nous avons appris l'agronomie, nous avons appris à défendre nos cultures, nous avons découvert la physiologie, nous avons mis en place un grand nombre de techniques, de technologies, qui ont toujours été motivées par le progrès, par la performance, par le besoin de répondre à l'évolution sociale, à l'augmentation de la population.
Mais avec le temps, la majorité de ces techniques et de ces technologies se sont révélées problématiques sur certains aspects.
Ces problèmes, souvent environnementaux en ce qui concerne l'agriculture, ont à leur tour motivé le développement d'idéologies cherchant à les éviter, souvent sans fondement technique ou scientifique, mais pas toujours.

Cependant, ces mouvements, écologistes et environnementalistes ne sont pas restés les bras croisés, à critiquer sans chercher de solution, bien au contraire. Je vous en ai déjà parlé, et je reconnais bien volontiers la valeur du travail réalisé.
Je m'oppose par contre au dogme qui les guide, et à la communication mensongère et destructrice qui est devenue leur spécialité et leur signature. On en trouve une preuve claire, s’il en faut une, au travers d’une récente enquête qui montre que plus de la moitié des français pensent que l’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides. Dans un pays dans lequel la préoccupation pour la santé et l’environnement est aussi importante, comment peut-on en arriver à un tel niveau d’ignorance, si ce n’est par une désinformation organisée ? http://alerte-environnement.fr/2016/03/23/un-francais-sur-deux-ignore-que-lagriculture-biologique-utilise-des-pesticides/

François Houllier utilise une petite phrase tout à fait primordiale à propos de l’agriculture biologique : « L’enjeu n’est pas de nourrir une minorité de la population à partir d’un système vertueux mais limité, mais de relever le défi alimentaire mondial avec une diminution des intrants attendue par la société. »
La production raisonnée ou intégrée est devenue la première méthode de culture au monde en 2 ou 3 décennies, simplement parce qu’elle répondait aux besoins des agriculteurs. L’agriculture biologique, beaucoup plus ancienne, n’a pu rester que marginale essentiellement par son manque de réalisme.
Le pas suivant consiste à rendre compatibles les besoins des agriculteurs et les attentes de la société, dans une vision globale de l’avenir de l’agriculture dans son environnement.
L’agroécologie est susceptible d’apporter les réponses nécessaires.



Il est grand temps de mettre en relation toutes ces connaissances et tous ces progrès techniques, technologiques, chimiques, biotechnologiques, écologiques, biologiques, environnementaux, pour en inventer une vraie révolution agricole.
C'est une révolution douce, silencieuse, mais qui aura de profondes répercussions sur le monde.
Et j’espère, mais je n’en suis pas du tout certain, que cette révolution saura se faire sans dogmatisme, grâce à la simple et vraie préoccupation du bien commun.

J’avais d’abord pensé en faire un simple chapitre de ma série sur les méthodes de production. Mais étant donné l’ampleur et l’importance du sujet, je vais en faire au contraire, une série à part entière.
Mon problème, trouver les informations nécessaires, un protocole, un cadre de travail. Comme je vous le disais au début de cet article, à ma connaissance, ça n'existe pas encore.
Ceci dit si vous connaissez quelque chose de concret, je suis preneur.

Je vais donc vous proposer, à travers cette série, probablement longue, une sorte de petit traité d'agroécologie, ni technique ni scientifique, je n'ai ni les compétences, ni les connaissances nécessaires, et encore moins la prétention d'en être un fin connaisseur.
Je vais plutôt vous livrer des réflexions, mes découvertes (à l’occasion de l’écriture des articles) et des observations personnelles sur le sujet, de mon point de vue de producteur de fruits, en l'abordant par thèmes.
Il est évident que certains thèmes feront référence à des séries déjà existantes. Le classement sera fait à travers les mots clé.

Nous y parlerons, toujours sous l’angle de l’agroécologie, de problématiques telles qu’elles se présentent à l’agriculteur, la gestion des sols, de l’eau, la protection phytosanitaire, les évolutions du matériel végétal, les implications sociales, etc…

Un très vaste sujet, qui concerne toute la société, même si l’essentiel de sa mise en œuvre sera forcément entre les mains des agriculteurs. Pourtant, comme je vous le disais dans mon dernier article, à propos de la biodiversité et du sauvetage des abeilles, chacun peut participer, autant en ville qu’à la campagne, par de petits gestes simples et quotidiens.

Ne croyez surtout pas que cette conversion de l’agriculture et de la société dans son ensemble, soit facile et rapide.
C’est une remise en cause profonde, qui passera par de nombreuses petites évolutions, parfois difficiles, et à tous les niveaux.
Il y aura des réticences et des protestations.

Mais bon, c’est nécessaire, donc ça se fera de toute façon.

Alors, et si, pour une fois, on faisait quelque chose de grand, quelque chose d’utile, pour le bien commun, sans querelle de chapelle, sans y ajouter une inutile et contreproductive dose d’idéologie ?

1 commentaire:

  1. On peut constater un phénomène de mimétisme universel, autrement appelé "la Pensée unique" : elle se répand comme un virus dans l’atmosphère, évidemment accélérée par les médias sociaux.
    Ne pas penser comme tout le monde, ne serait-ce pas aussi une maladie de l’esprit, un autre virus souvent qualifié d'"esprit de contradiction" ?
    La fameuse Marquise de Sévigné, dans une lettre à sa fille lui recommandait : "Pensez juste ou pensez faux mais pensez par vous-même !". Ce docte conseil ne fait plus partie de l'éducation !

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